Interactions Bioculturelles

Interactions Bioculturelles (EN)

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Les force vives de l'équipe / staff

Thématique générale de l'équipe

La convention sur la diversité biologique a mis en exergue la conservation et l’utilisation de la diversité biologique, en particulier celle qui est directement utilisée par l’homme, en particulier les plantes cultivées. Dans un contexte de changements planétaires, il paraît important d’étudier cette diversité par une double approche biologique et sociale. Les conséquences des changements globaux sont alors conditionnées par les différents contextes socio-culturels et par la biologie des espèces considérées. L’objectif de l’équipe “Interactions Bioculturelles” (IBC), dans sa nouvelle configuration, est de comprendre les dynamiques sociales et biologiques responsables de l’origine et du maintien de la diversité culturelle et biologique de plantes utilisées par l’homme, et de comprendre les dimensions culturelles de l’adaptation humaine. Un second objectif est de développer des méthodes originales de co-construction entre acteurs locaux et chercheurs en vue d’une gestion in situ durable associant conservation et valorisation. Nos travaux ne s’inscrivent pas uniquement dans le présent : nous explorons l’histoire des interactions entre les hommes et les natures ; en intégrant l’écologie historique dans notre démarche nous tentons d’analyser les liens entre le passé et l’actuel.

Ce projet est porté par un regroupement de forces : d’une part, l’équipe IBC du CEFE constituée de chercheurs (CNRS, Cirad et IRD), d’enseignants-chercheurs (Université Montpellier 2, Université Paris-Ouest Nanterre) et d’un ITA Cirad ; d’autre part, des personnels du Cirad issus de l’ancienne UPR 67 Cirad (dirigée par H. Joly). Ce regroupement permet la mise en commun de compétences diverses autorisant une perception interdisciplinaire des dynamiques sociales, et de leurs interactions avec les dynamiques écologiques, ceci dans le cadre des changements globaux - sociétaux et écologiques - en cours.

L'équipe "Interactions Bioculturelles" est structurée autour de cinq axes présentés ci-dessous et de quelques chantiers géographiquement bien identifiés, pour une bonne part en zones tropicales. Dans toutes ces situations, l’équipe ambitionne de mener de la « bonne recherche » dans les champs d’excellence des différents membres de l’équipe (écologie, ethnoscience, géographie), mais surtout de faire émerger une réelle approche interdisciplinaire, visant en particulier à comprendre comment changements sociétaux et changements environnementaux s’interpénètrent. Ce projet trouve au CEFE une « niche naturelle » dans la mesure où il y est mené depuis plusieurs années une politique scientifique active visant à un dialogue fécond entre sciences biologiques et sciences humaines et sociales. Par ailleurs, ces travaux s’enrichissent de l’expertise technique et conceptuelle de plusieurs équipes du CEFE qui apportent leurs compétences en biologie des populations, des communautés et des écosystèmes, mais aussi sur ceux des collègues de sciences humaines et sociales et de nombreux partenaires locaux dans les régions où nous travaillons.

GDR  3353 MOSAIQUE

1. Domestication et diversification des plantes

L’objectif est de comprendre comment les facteurs anthropiques (contemporains et historiques récents, incluant l’histoire de domestication) et la biologie des espèces interagissent pour façonner la distribution de la diversité actuelle, en particulier génétique, des plantes domestiquées. L’approche, explicitement interdisciplinaire, concilie génétique, biologie et ethnobotanique. Les modèles considérés sont des plantes ressources majeures, emblématiques et à forte valeur culturelle, sociale et économique. Il s’agit en particulier des amandiers, figuiers et oliviers en zone méditerranéenne, des mils et sorghos en Afrique sub-saharienne et du manioc et des cocotiers en zone intertropicale ailleurs. S’agissant de plantes cultivées, une attention particulière est portée à la notion de "landrace" ou "variété locale", qui est l’unité de sélection et de perception de la diversité génétique par les agriculteurs.

Un aspect original est l’analyse de l’intervention des acteurs humains dans le maintien de la diversité. On peut prendre l’exemple frappant du manioc en Amazonie : les nombreuses adaptations indépendantes à la culture et aux milieux cultivés, adaptations acquises lors de la domestication, résultent d’une interaction entre sélection naturelle et sélection artificielle. Elles sont le fruit d’un système mêlant la reproduction clonale (opérée par les cultivateurs) et la reproduction sexuée "sauvage" dont les produits recombinés sont incorporés par les cultivateurs comme nouveaux clones. Un des objectifs est alors de comprendre si de telles pratiques, encore largement répandues dans l’aire d’origine d’une plante donnée, sont maintenues (ou sont redécouvertes) lorsque cette plante cultivée est introduite ailleurs.

Ces projets devraient permettre d’élaborer des stratégies originales de gestion de la diversité génétique alliant approches in situ et ex situ, faisant intervenir directement les pratiques et savoirs des acteurs locaux.

2. Voyages des hommes et des plantes

En continuité avec l’axe précédent, il est important de noter qu’au processus local de domestication se superposent des phénomènes de migration : en effet, les migrations humaines conduisent à la dispersion des plantes, dispersion qui va en retour influencer  l’adaptation culturelle des migrants humains et l’évolution de la diversité des plantes. L’équipe IBC s’intéresse à cette problématique dans des agrosystèmes insulaires, bien connus en biologie évolutive et biogéographie pour être des laboratoires grandeur nature de dynamiques biologiques. Ces situations permettent en effet plus aisément de distinguer l’influence de la migration de celle de l’adaptation locale. Les phénomènes de migration sont appréhendés en termes de distances géographiques parcourues, d’expériences migratoires (i.e., la migration vécue par les migrants) et d’identités biologique et culturelle des plantes transportées. Les questionnements portent autant sur les raisons qui ont entraîné la migration humaine que sur nouvelles pratiques consécutives de la migration (des hommes ou des plantes) conduisant au maintien de la diversité. Il s’agit d’études menées principalement dans le Pacifique (en particulier, au Vanuatu), et les modèles principaux sont la patate douce et l’arbre à pain.

3. Adaptation aux changements globaux

Ce volet s’intéresse plus directement à l’influence des changements globaux sur le fonctionnement de sociétés dont la subsistance dépend fortement – mais pas exclusivement – des ressources prodiguées par le milieu et leur gestion des ressources locales, que celles-ci soient sauvages ou cultivées. Ce thème englobe tous types de changements globaux qu’ils soient sociétaux (modernisation agricole, changements de régime alimentaires, politiques (politiques environnementales globales) ou écologiques. Une question centrale est d’évaluer si la gestion du risque environnemental par les sociétés naturalistes est envisageable en contexte de modifications climatiques – qui peuvent être des événements climatiques inhabituels et erratiques à pas de temps longs, tel El Niño, mais aussi des modifications liées aux activités humaines. Les questionnements de l’équipe portent sur la construction de réponses adaptatives particulières par ces sociétés, donc les perceptions et l’analyse que ces sociétés formulent à l’égard de ces événements bioclimatiques. Les études portent à la fois sur les registres de réponses (quels savoirs sont mobilisés ?) et la transmission des savoirs. Quatre situations sont considérées. La première est celle de des Punan de Bornéo qui ont vu leur mode de vie semi-nomade fortement modifié suite à des pressions sur leur environnement, telle que la déforestation. La deuxième est celle des Amérindiens d’Amazonie et de leur utilisation du manioc. Les changements globaux ont entraîné chez le manioc non seulement des changements métaboliques (et donc nutritionnels) mais aussi l’adoption de cette plante robuste par de nouveaux groupes humains, qui souvent ne maîtrisent pas les techniques de détoxification. Ces changements à deux niveaux, celui du métabolisme de la plante et celui des choix culturels de la plante à la base de l’alimentation, peuvent ensemble conduire à des problèmes de santé publique. La troisième est celle des cocotiers sur des petits îlots particulièrement fragiles dans le Pacifique. La quatrième est une étude menée en région méditerranéenne sur les changements qu’engendrent les nouveaux rapports à l’agriculture en Europe, aux produits dits traditionnels ou de terroirs sur la relance d’une filière agroforestière, la châtaigneraie dans l’arrière pays méditerranéen (Cévennes, Lozère).

4. Domestication des milieux

Si les volets précédents s’intéressaient particulièrement aux interactions entre les espèces cultivées et les hommes, et sur comment les sociétés se sont organisées au cours des processus de domestication ou en rapport aux changements globaux, ce dernier volet élargit l’angle d’attaque pour considérer les impacts couplés de facteurs écologiques et humaines à d’autres niveaux, ceux des communautés, des écosystèmes et des paysages. À ce titre, le programme d’étude des figuiers à Madagascar constitue un véritable cas d’école : étant à la fois au cœur d’interactions biotiques complexes (leurs fruits attirent les frugivores qui transportent les graines d’un grand nombre d’autres espèces), et fortement valorisés culturellement (souvent plantés et encouragés), les figuiers constituent des noyaux des processus de recolonisation. Ce sont donc des espèces clef de voûte écologique et culturelle qui peuvent jouer un grand rôle catalyseur dans la restauration des milieux.

Les savanes saisonnièrement inondées du littoral des Guyanes constituent le second chantier emblématique de ce thème. La morphologie et le fonctionnement de ces savanes semblent résulter de l’action conjointe d’ingénieurs humains et naturels des écosystèmes.

5. Savoirs locaux, politiques publiques et enjeux environnementaux

Cet axe de recherche concerne les effets des politiques nationales (ex : politiques agricoles, forestières) et des politiques globales de conservation de la biodiversité et du développement durable, sur les pratiques et savoirs locaux. Elle fait l’objet de collaborations étroites avec des chercheurs en sciences sociales de l’UR 199 de l’IRD "Dynamiques socio-environnementales et gouvernance des ressources".

Les interactions entre les échelles globales, nationales et locales ne sont pas un fait récent car de nombreuses sociétés locales ont, au cours de leur histoire, dû faire face à des politiques et pratiques exogènes (ex : le fait colonial) qui les ont amené à modifier et ajuster leur pratiques sur l’environnement. Cependant, malgré les dénigrements dont les pratiques et savoirs locaux ont été pendant longtemps l’objet, de nombreux travaux en ethnobiologie ont démontré leur intérêt pour la gestion durable des ressources. La mise en avant des savoirs locaux dans la Convention pour la Diversité Biologique a entraîné de nombreux changements sur la façon dont ces savoirs sont mobilisés à l’échelle locale, avec par exemple l’intégration des acteurs locaux dans des processus décisionnels (approches participatives) ou dans le secteur commercial (mise en avant des produits de terroir comme argument de vente). Ces nouvelles approches environnementales nous amènent à explorer les recompositions en cours des pratiques et savoirs locaux. La question centrale posée est : comment évoluent les rapports locaux à la nature sous l’effet des interactions en cours entre représentations, pratiques et savoirs des différents types d’acteurs en présence ? Quels effets ces interactions ont-elles sur la gestion effective de l’environnement à l’échelle locale ? Deux entrées en terme d’objets de recherche sont considérées : 1. l’interface entre les aires protégées et les pratiques humaines (ex : le Parc National Shey Phoksundo au Népal, le Parc National des Cévennes en France, le corridor reliant les parcs nationaux de Ranomafana et Andringitra à Madagascar) ; 2. la relation entre politiques et pratiques locales sur les arbres et les forêts rurales des agroécosystèmes méditerranéens (ex : la châtaigneraie en Cévennes et l’arganeraie au Maroc). L’articulation entre politiques nationales et globales, savoirs locaux et enjeux environnements soulève des questionnements qui s’appliquent également à la gestion des ressources génétiques (agrodiversité, politiques de conservation in situ et de sélection participative) et qui renvoient également à l’axe 1.

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